Qu’y a-t-il de plus essentiel que le contenu de nos assiettes ? Sur fond de changement climatique, les discours se crispent. Le modèle d’agriculture intensive est en crise. Producteurs et industriels agro-alimentaires sont pointés du doigt. Les agriculteurs subissent l’injonction paradoxale de devoir produire « mieux » en n’augmentant que peu (dans le meilleur des cas) ou pas du tout leurs prix. Les consommateurs sont-ils prêts à assumer le surcoût d’un changement des modes de production ?
Nourrir mieux et plus de français
L’agriculture intensive domine largement depuis 70 ans le paysage agricole français. Confrontée après la guerre au défi de devoir nourrir une population en forte croissance, la campagne française a engagé les investissements nécessaires pour installer les conditions d’une production intensive devenue l’une des plus efficientes au monde. Sous l’impulsion de politiques publiques volontaristes comme la PAC, l’agriculture française a changé en profondeur, marquant les paysages ruraux. Les deux principales conséquences de cette évolution pour le consommateur concernent son assiette (plus fournie et diversifiée car l’agriculture intensive a permis une amélioration de l’alimentation des français) et une facture plus légère.
La fin d’un modèle ?
Ce modèle trouve aujourd’hui ses limites. La question de l’alimentation s’avère centrale dans les débats actuels. Qu’il s’agisse du « bio », du « bien-être animal », de la nutraceutique, etc. les tendances évoluent et certains citoyens appellent à une alimentation plus responsable. Chaque année la part des surfaces agricoles dédiées à l’agriculture biologique, et les rayons bio dans les grandes surfaces augmente de manière exponentielle. Des mouvements citoyens appelant à un retour des petits commerces dans les villes pèsent sur le secteur de la distribution. La vitalité du secteur des grandes surfaces ralentit d’ailleurs, même s’il reste très largement excédentaire (110 milliards d’euros de chiffres d’affaire en 2018, toutes enseignes confondues).
Agriculteur, bouc émissaire
Dans ce contexte, l’agribashing est un exemple visible et dramatique de la perte de confiance dans le modèle intensif, accusé par certains consommateurs de ne plus être adapté à l’heure de l’urgence climatique. Mais arrêtons d’accuser les agriculteurs, et plus largement les « exploitants » de la nature : forestiers, pêcheurs, apiculteurs... Et rappelons-nous que le consommateur aussi a son rôle à jouer et sa part de responsabilité dans nos modes de consommation. Si le modèle d’agriculture actuel ne convient pas alors cessons de le conforter en recherchant une alimentation toujours moins chère dans des grandes surfaces. D’autant que nul n’ignore qu’elles usent et abusent de leurs positions dominantes sur le marché agro-alimentaire pour préserver leurs marges au détriment d’abord des producteurs puis des consommateurs.
Il revient aux citoyens et aux consommateurs de se faire entendre puis de faire respecter leur volonté d’une agriculture plus raisonnée, plaçant la santé et la qualité des produits au cœur plutôt que le prix et la productivité. Il faut que le consommateur qui souhaite s’engager dans un nouveau mode de consommation accepte de payer le prix d’une alimentation plus qualitative. Sans pointer du doigt le modèle intensif qui permet de continuer à proposer des produits de bonne facture pour les budgets les plus serrés.
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